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LES VACANCES.

revint voir le roi ; mon père parlait déjà bien son langage ; il lui demanda où était notre ami. Le chef répondit d’un air triste qu’il était perdu ; qu’il n’avait jamais voulu leur faire une maison comme celle que nous avions faite au roi, qu’il restait triste, silencieux, qu’il ne voulait les aider en rien, ni faire usage de sa hache ; qu’un beau jour enfin il avait disparu, on ne l’avait plus retrouvé ; qu’il avait probablement pris un canot, et qu’il était noyé ou mort de faim et de soif. Nous fûmes bien attristés de ce que nous disait le chef. Le roi lui raconta tout ce que mon père lui avait appris, et lui chanta les cantiques et les psaumes qu’il savait. Le chef demanda au roi de lui donner mon père, mais le roi le refusa avec colère. Le chef se fâcha ; ils commencèrent à s’injurier ; enfin le chef s’écria : « Eh bien ! toi non plus, tu n’auras pas cet ami que tu refuses de me prêter. » Et il leva sa massue pour en donner un coup sur la tête de mon père ; je devinai son mouvement et, m’élançant à son bras, je le mordis jusqu’au sang. Le chef me saisit, me lança par terre avec une telle force que je perdis connaissance ; mais j’avais eu le temps de voir mon père lui fendre la tête d’un coup de sa hache. Je ne sais ce qui se passa ensuite. Mon père m’a raconté qu’il y avait eu un combat terrible entre nos sauvages et ceux du