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LES VACANCES

Le roi, nous voyant tirer de nos poches des couteaux, regarda attentivement ce que nous en ferions. Quand il nous vit couper facilement et nettement les bananes, le poisson et d’autres mets, il témoigna une grande admiration. Mon père voulut lui faire essayer de couper une banane, mais il n’osa pas ; il retirait sa main avec effroi, et il regardait sans cesse les mains de mon père, celles du Normand et les miennes, s’étonnant qu’elles ne fussent pas coupées comme les fruits et le poisson. Régite, régite, répétait-il. Ce qui veut dire : « Ça coupe. »

Quand le repas fut fini, le roi se leva, marcha avec mon père attaché à son bras ; je suivais entre les deux petits sauvages, mes amis. Le Normand venait ensuite. « Ne perds pas Paul des yeux, lui avait dit mon père. Ma dignité me défend de me retourner trop souvent pour veiller sur lui ; mais je te le confie. Emboîte son pas et ne laisse pas les sauvages trop en approcher.

— Soyez tranquille, mon commandant, lui répondit le Normand. Je considère cet enfant comme le vôtre, et dès lors pas de danger tant que j’ai l’œil sur lui. » Nous marchâmes longtemps. Les petits sauvages m’apprirent quelques mots de leur langage, que je parlai en peu de temps aussi bien qu’eux-mêmes. Il n’était pas