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LES VACANCES

à pousser des hurlements d’allégresse et à faire autour de nous une ronde immense. Les petits sauvages dansaient, je dansais avec eux, le roi dansa, mon père sauta aussi ; nous nous mîmes tous à rire ; ce rire gagna les sauvages et le roi ; le Normand gambadait tant qu’il pouvait.

M. DE ROSBOURG, riant.

Je me souviens en effet de cette danse absurde. Malgré toute ma tristesse, je me trouvais si ridicule, le pauvre Normand avait l’air si godiche, le roi avait l’air si bête, attaché à mon bras par ce lien et gambadant comme un gamin, que je fus pris d’un fou rire qui fut plus fort que moi. Je ris encore en y pensant.

PAUL, continuant.

Ce fut mon père qui donna le signal du repos en s’arrêtant et criant : « Halte là ! Assez pour aujourd’hui, sauvageons ! » Sa voix domina le tumulte, et tout le monde s’arrêta. J’avais faim ; je le dis à mon père, qui fit signe au roi qu’il voulait manger. Moune chak, s’écria aussitôt le roi. Pris kanine, répondirent les sauvages, et ils se dispersèrent en courant. Ils revinrent bientôt, apportant des bananes, des fruits qui m’étaient inconnus, des noix de coco, du poisson séché. Nous mangeâmes de bon appétit ; les sauvages s’assirent par dizaine, formant de petits ronds. Le roi et les petits sauvages mangèrent seuls avec nous.