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LES VACANCES.

trouveraient pas un ruisseau et des fruits ; mais je lui demandai de ne pas le quitter, et il m’emmena. Le chemin était difficile. Le Normand marchait en avant et brisait avec sa hache les joncs et les plantes piquantes qui l’empêchaient d’avancer. Je commençais à me repentir de les avoir suivis ; quand le commandant, voyant mes bras tachés de sang, me prit sur ses épaules malgré ma résistance. Le Normand voulut me porter, mais le commandant lui dit : « Tu as une tâche plus rude que la mienne, en marchant en avant et en me frayant un passage aux dépens de ta peau, mon brave Normand. Il n’est pas lourd, ce garçon ! Et puis, est-ce qu’un enfant pèse jamais trop sur les épaules de son père ? » Le Normand obéit et marcha en avant. Je me repentis bien plus encore de n’être pas resté sous mon rocher quand je vis mon pauvre père trempé de sueur et plier malgré lui sous mon poids. Je lui demandai de me laisser marcher ; il ne le voulut pas ; j’essayai de me glisser de dessus ses épaules ; il me retint d’une main de fer et me dit : « N’essaye plus, car je t’attache si tu recommences. » Nous avancions lentement ; nous mîmes plus d’une heure à arriver à cette forêt, car c’en était une. Le terrain y était assez doux et uni. Le commandant me posa à terre, nous nous assîmes à l’ombre de ces grands