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LES VACANCES.

Quand il la laissa se relever, elle avait un air si méchant, qu’elle me fit peur.

« Tous les coups que vous m’avez donnés, s’écria-t-elle, je les rendrai à votre fille.

— Chaque fois que vous oserez la toucher pour la maltraiter, je vous cravacherai comme je l’ai fait aujourd’hui, madame, » répondit papa.

Il sortit, m’emmenant avec lui. Quand il fut dans sa chambre, il me prit dans ses bras, me couvrit de baisers, pleura beaucoup, me répéta plusieurs fois : « Pardonne-moi, mon enfant, ma pauvre Sophie, de t’avoir donné une pareille mère !… Oh !… pardonne-moi ; je la croyais bonne et douce ; je croyais qu’elle te rendrait heureuse, qu’elle t’aimerait comme t’aimait ta pauvre maman. Elle me le disait. Pourquoi l’ai-je crue ? Je me sentais mourir, et je ne voulais pas te laisser seule dans ce monde. » Et il recommençait à m’embrasser et à pleurer. Je pleurais aussi : il m’essuya les yeux avec ses baisers, et me dit qu’il allait s’occuper à me placer chez une de ses amies qui était très-bonne et qui me rendrait heureuse.

Mais, ajouta Sophie en pleurant, dans la nuit il fut pris d’un vomissement de sang, à ce que m’ont dit les domestiques, et il mourut le lendemain, me tenant dans ses bras et me demandant pardon.