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LES VACANCES.

partit. Je criais : « Maman, maman, attendez-nous ! » Papa restait là sans dire un mot. Il était si pâle que j’eus peur de lui. Il est toujours resté pâle depuis, et il me faisait peur quand il me regardait de son air triste. Je n’ai pas oublié les cris de ma pauvre maman et de ma tante d’Aubert quand la chaloupe est partie. J’entendais crier : « Sophie ! Paul ! mon enfant ! mon mari ! » Mais cela ne dura pas longtemps, car tout d’un coup une grosse vague vint les couvrir. J’entendis un affreux cri, puis je ne vis plus rien. Maman était disparue ; tous avaient été engloutis par la vague. Cette nuit, je me suis souvenue de tout cela.

JEAN.

Pauvre Sophie ! Comment as-tu pu te sauver ?

SOPHIE

Je ne sais pas du tout comment a fait papa ; le capitaine lui a parlé ; ils ont embrassé Paul tous les deux ; le capitaine a dit : « Je vous le jure ! » puis le Normand a aidé papa à descendre avec moi dans un énorme baquet qui était sur la mer. J’appelais Paul, et je pleurais ; je voyais mon pauvre Paul qui pleurait aussi, et le capitaine qui le tenait dans ses bras et l’embrassait. Puis les vagues nous ont entraînés. Je me suis endormie, et je