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LES VACANCES.

Depuis deux jours, il faisait un vent terrible ; tout le monde avait l’air inquiet ; ni le capitaine ni le Normand ne s’occupaient plus de Paul ni de moi ; maman me tenait près d’elle ; ma tante d’Aubert gardait aussi Paul, quand tout à coup j’entendis un craquement affreux, et en même temps il y eut une secousse si forte, que nous tombâmes tous à la renverse. Puis j’entendis des cris horribles ; on courait, on criait, on se jetait à genoux. Papa et mon oncle coururent sur le pont, maman et ma tante les suivirent. Paul et moi, nous eûmes peur de rester seuls, et nous montâmes aussi sur le pont. Paul aperçut le capitaine, et s’accrocha à ses habits ; je me souviens que le capitaine avait l’air très-agité ; il donnait des ordres. J’entendis qu’on criait : Les chaloupes à la mer ! Le capitaine nous vit. Il me saisit dans ses bras, m’embrassa, et me dit : « Pauvre petite, va avec ta maman. » Puis il embrassa Paul, et voulut le renvoyer. Mais Paul ne voulait pas le lâcher. « Je veux rester avec vous, criait-il ; laissez-moi près de vous. »

Je ne sais plus ce qui arriva. Je sais seulement que papa vint me prendre dans ses bras, et qu’il cria : « Arrêtez ! arrêtez ! la voici, je l’ai trouvée. » Il courait, et il voulut sauter avec moi dans une chaloupe où étaient maman, ma tante et mon oncle, mais il n’en eut pas le temps : la chaloupe