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LES VACANCES.

premier mouvement, la vipère l’aurait piqué ; je ne fis ni une ni deux, je m’élançai sur lui, je l’enlevai dans mes bras avant que la vipère eût fait son coup, et je le posai dans le sentier ; il poussa un cri, tout comme s’il avait été saisi par le diable, et il a couru comme si le diable courait après lui.

M. de Rugès comprit très-bien que Léon avait cédé à la frayeur. Déjà fort abattu par l’émotion de la dernière heure, il n’avait pas pu résister à la terreur que lui causa cet enlèvement si brusque par un inconnu qu’il avait pris pour un brigand.

Pendant que M. de Rugès et M. de Traypi parlaient à Léon et lui faisaient honte de sa conduite, les enfants examinaient l’inconnu resté au milieu d’eux. Depuis qu’il avait apparu, Sophie le regardait avec une surprise mêlée d’émotion ; elle cherchait à recueillir ses souvenirs ; il lui semblait avoir déjà vu ce visage brûlé par le soleil, cette figure franche et honnête ; il lui semblait avoir entendu cette voix. L’homme, de son côté, après avoir regardé successivement les enfants, avait arrêté ses yeux sur Sophie ; l’étonnement se peignit sur son visage, et fit place à l’émotion.

« Mamzelle, dit-il enfin d’une voix un peu trem-