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aux provisions. Elle entendait rire ses amies ; elle les voyait s’éloigner au trot et au galop de leurs ânes, et, malgré tous ses efforts et ceux de Nicaise, son âne s’obstina à marcher au pas, sur le même rang que son ami. Bientôt les cinq autres ânes disparurent à ses yeux ; elle restait seule, pleurant de colère et de chagrin ; le fils de Nicaise, touché de ses larmes, lui offrit des consolations qui la dépitèrent bien plus encore.

« Faut pas pleurer pour si peu, mam’selle ; de plus grands que vous s’y trompent bien aussi. Votre bourri vous semblait meilleur que les autres : c’est pas étonnant que vous n’y connaissiez rien, puisque vous ne vous êtes pas occupée de bourris dans votre vie. C’est qu’il a l’air, à le voir comme ça, d’un fameux bourri ; moi qui le connais à l’user, je vous aurais dit que c’est un fainéant et un entêté. C’est qu’il n’en fait qu’à sa tête ! Mais faut pas vous chagriner ; au retour, vous le passerez à mam’selle Camille, qui est si bonne qu’elle le prendra tout de même et elle vous donnera le sien, qui est parfaitement bon. »

Sophie ne répondait rien ; mais elle rougissait de s’être attirée par son égoïsme de pareilles consolations. Elle fit toute la route au pas ; quand elle arriva à la halte désignée, elle vit tous les ânes attachés à des arbres ; ses amies n’y étaient plus, elles avaient voulu l’attendre, mais Mme de Fleurville, qui désirait donner une leçon à Sophie, ne le