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LES MALHEURS DE SOPHIE.

bras ne lui faisait pas mal. « Non, non, disait Élisabeth en pleurant, je mérite de souffrir comme je vous ai fait souffrir ; écorchez-moi le bras comme j’ai écorché le vôtre, ma bonne ; que je souffre ce que vous souffrez. » Tu penses bien que la bonne ne voulut pas faire ce qu’Élisabeth lui demandait, et celle-ci ne dit plus rien. Elle fut très douce le reste du jour, et alla se coucher très sagement. Le lendemain, quand sa bonne la leva, elle vit du sang à son drap, et, regardant son bras, elle le vit horriblement écorché. « Qui est-ce qui vous a blessée ainsi, ma pauvre enfant ? s’écria-t-elle. — C’est moi-même, ma bonne, répondit Élisabeth, pour me punir de vous avoir griffée hier. Quand je me suis couchée, j’ai pensé qu’il était juste que je me fisse souffrir ce que vous souffriez, et je me suis griffé le bras jusqu’au sang. » La bonne, attendrie, embrassa Élisabeth, qui lui promit d’être sage à l’avenir. Tu comprends maintenant ce que t’a dit Élisabeth et pourquoi elle a rougi ?

sophie.

Oui, maman, je comprends très bien. C’est très beau ce qu’Élisabeth a fait. Je pense qu’elle ne se mettra plus jamais en colère, puisqu’elle sait comme c’est mal.

madame de réan, souriant.

Est-ce que tu ne fais jamais ce que tu sais être mal ?

sophie, embarrassée.

Mais moi, maman, je suis plus jeune : j’ai quatre ans, et Élisabeth en a cinq.