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Jean.

Monsieur… C’est que je crains…

Kersac.

N’aie pas peur, je te dis. Parle… Parle donc !

Jean, souriant.

Puisque vous l’ordonner, monsieur… Et Jeannot ?

— Encore ! s’écria Kersac, s’agitant sur sa chaise. Toujours ce pendard que tu me jettes au nez ! Je ne veux pas de ton Jeannot ; et je ne veux pas en entendre parler.

Jean.

C’est parce qu’il vous a offensé, monsieur, que vous ne l’aimez pas. Mais Notre Seigneur nous pardonne bien quand nous l’offensons, et il nous aime tout de même, et il nous fait du bien. Et il nous ordonne de faire comme lui.

Kersac.

Ah çà ! vas-tu me prêcher comme notre curé ? Ton Jeannot ne me va pas, et je n’en veux pas. »

Jean soupira et sortit lentement.

Kersac le suivit des yeux et resta pensif.

« Il a tout de même raison, cet enfant… Et de penser que c’est un garçon de quatorze ans qui m’en remontre, à moi qui en ai trente-cinq !… C’est qu’il a raison,… parfaitement raison… Mais comment faire pour revenir sur ce que j’ai dit !… Il se moquerait de moi… Et pourtant il a raison. Et c’est une brave garçon si jamais il en fut… Il faut absolument qu’il vienne chez moi… Il a dans la physionomie quelque chose…, je ne sais quoi,… qui fait plaisir à regarder. Je l’entends qui vient. »