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Kersac ne leur donna pas le temps de répondre ; il sortit en refermant la porte sur lui. Quand il rentra une heure après, il trouva Jean rendu à la raison ; Marie lui avait démontré que son mariage ne nuisait en rien à son service près de son bienfaiteur, et même que M. Abel n’en serait que mieux servi. Il paraît que ces arguments avaient été bien persuasifs, car ils terminèrent la conférence par une discussion sur le jour du mariage ; Jean voulait attendre ; Marie voulait presser :

« Car, dit-elle, si je te laisse le temps de la réflexion, tu me laisserais là pour M. Abel, et je mourrais de chagrin. »

Jean frémit devant cet assassinat prévu et prémédité, et il consentit au plus bref délai, qui était de quinze jours. C’est ainsi que le sort de Jean fut fixé.

M. Abel se montra fort satisfait de cet arrangement. Il en souffrit un peu, mais le moins possible ; Jean lui promit de le suivre partout où il irait.

« Je vous assure, monsieur, lui dit-il, que si vous m’obligiez à vous quitter, je serais réellement malheureux ; Marie elle-même me serait à charge. Pensez donc, monsieur ! treize années passées avec vous et près de vous, sans vous avoir jamais quitté ! Comment voulez-vous que je vive loin de vous ?

M. Abel.

Merci, mon ami ! J’accepte ton sacrifice comme tu as accepté celui que j’ai fait en te rendant ta liberté ; ta présence me sera d’autant plus agréable