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Jean.

Que voulez-vous, monsieur ? En avançant en âge, on devient plus sage et plus sérieux.

M. Abel, souriant.

Mais, mon ami, tu as vingt-sept ans à peine ; ce n’est pas encore l’extrême vieillesse.

Jean.

Pas encore, monsieur ; mais on y marche tous les jours.

M. Abel.

Écoute, Jean, quand je me suis marié, j’avais trente-quatre ans et je n’étais pas triste, et je ne le suis pas encore, bien que j’aie quarante et un ans.

Jean, tristement.

Je le sais bien, monsieur.

M. Abel.

Jean, tu me caches quelque chose ; ce n’est pas bien. Toi qui n’avais pas de secret pour moi, voilà que tu en as un, et depuis plusieurs mois déjà.

Jean.

Pardonnez-moi, monsieur, ce n’est pas un secret, c’est seulement une chose qui me rend triste malgré moi.

M. Abel.

Qu’est-ce que c’est, Jean ? Dis-le-moi. Que crains-tu ? Tu connais mon amitié pour toi.

Jean.

Oh oui ! monsieur ; et votre indulgence, et votre bonté, qui ne se sont jamais démenties. Voici ce que c’est, monsieur. Je me sens pour Marie un attrait qui me ferait vraiment désirer de l’épouser.