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blême, à la mine éreintée, une femme au visage flétri, exprimant la souffrance, et un petit garçon d’une maigreur excessive, et dont les joues hâves annonçaient la misère. L’aspect de cette famille frappa péniblement M. Abel ; après les avoir observés pendant quelque temps, il alla derrière la toile et causa quelques instants avec l’homme. Il revint, eut une conférence avec ses amis Caïn et Seth ; tous trois passèrent ensuite derrière la baraque ; la famille éreintée disparut pour faire place, une demi-heure après, à trois sauvages à longues barbes et au teint cuivré ; l’un d’eux fit un roulement de tambour formidable ; un second cria d’une voix qui couvrait le bruit du tambour :

« Venez, messieurs, mesdames, venez voir l’effet merveilleux du marteau magique qui change les sous en pièces d’argent, et les pièces d’argent en pièces d’or. »

La foule ne tarda pas à se rassembler près de cette baraque.

« On fait une seule expérience gratuite, messieurs, mesdames ; après quoi on devra donner à la personne qui fera la quête. La représentation va commencer ! Qu’est-ce qui me donne un sou ? Un sou, messieurs, un sou pour en avoir vingt ? »

Une main s’allongea et donna un sou.

Le sauvage prit le sou, le tint en l’air afin que chacun pût le voir, le posa sur un billot et s’éloigna. Le second sauvage, qui tenait un pesant marteau à la main, frappa le billot ; le premier sauvage prit