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viteurs, mon ami. Et malheureusement les enrichis sont presque tous de même ; ils ne songent qu’à être bien et habilement servis, et ils oublient qu’ils sont riches, non pas seulement pour se faire servir, mais pour faire servir Dieu et le faire aimer. Ils payeront bien cher leur négligence, et ils auront une terrible punition pour avoir si mal usé de leurs richesses et pour avoir négligé la moralité de leurs serviteurs. Quant au malheureux Jeannot, je ne puis rien pour lui. »

M. Abel causa avec Kersac de son mariage, qu’il approuva beaucoup ; il lui promit d’y assister et de lui mener Jean, ce qui fit bondir de joie Jean et Kersac. Jean eut un petit accès d’enfantillage d’autrefois : il baisa les mains de M. Abel ; il lui dit des paroles tendres, reconnaissantes, comme jadis. M. Abel le laissa faire quelques instants ; puis il lui prit la main et lui dit amicalement :

« Assez, mon cher enfant ; tu as oublié notre vieille convention : de parler peu et modérément quand ton cœur est plein, et de me laisser voir dans ton regard tous les sentiments de ce cœur affectueux et dévoué.

Jean.

C’est vrai, monsieur, je me suis laissé aller ; j’ai oublié que j’avais dix-sept ans. »

M. Abel lui serra encore la main en souriant de ce bon et aimable sourire qui lui gagnait tous les cœurs.

« Demain, avant neuf heures, je vous attends