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fants de cet âge, ça ne sait rien, ça brise tout. »

Jeannot ayant été suffisamment arrosé, dépoissé, essuyé et rhabillé avec une blouse qui ne lui allait pas, un gilet qui croisait d’un pied sur son estomac, une chemise qui en eût contenu deux comme lui, Jeannot, disons-nous, leva les yeux et acheva de reconnaître M. Abel, que sa voix lui avait déjà fait deviner à moitié.

« Monsieur le voleur ! » s’écria-t-il.

L’effet produit par cette exclamation fut exactement le même que dans le café de Jean. M. Pontois ferma et garda la porte ; les garçons levèrent les mains pour saisir M. Abel au collet ; la dame du comptoir se réfugia près de sa caisse en poussant un cri perçant. M. Abel croisa les bras et resta immobile, regardant Jeannot qui, d’un mot, aurait pu justifier M. Abel, mais qui gardait le silence et le regardait à son tour d’un air moqueur et triomphant.

Les cris de la dame du comptoir attirèrent des sergents de ville ; ils se firent ouvrir la porte, s’informèrent de la cause des cris de madame. M. Pontois et les garçons expliquèrent si bien l’affaire, que les sergents de ville se mirent en devoir d’arrêter le voleur. Jeannot se pavanait dans son triomphe.

M. Abel.

Laissez donc, mes braves amis, je ne suis pas plus voleur que vous. Le voleur prend, et moi je donne. Ainsi vous voyez ce mauvais garnement nommé Jeannot ?