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comme mon frère Simon, qui est parti sans seulement tourner la tête pour nous regarder. Voilà que j’ai bientôt quatorze ans. Je sais bien ce que c’est que le courage, allez. Je ferai comme Simon.

Hélène.

C’est bien, mon enfant ; tu es un bon et brave garçon ! Et le cousin Jeannot ? Va-t-il venir ce soir ou demain matin ?

Jean.

Je ne sais pas, maman ; je ne l’ai guère vu ces trois derniers jours.

Hélène.

Va donc voir chez sa tante s’il est prêt pour partir demain de grand matin. »

Jean partit lestement. Hélène resta à la porte et le regarda marcher : quand elle ne le vit plus, elle rentra, joignit les mains avec un geste de désespoir, tomba à genoux et s’écria d’une voix entrecoupée par ses larmes :

« Mon enfant, mon petit Jean chéri ? Lui aussi doit partir, me quitter ! Lui aussi va courir mille dangers dans ce long voyage ! mon enfant, mon cher enfant !… Et je dois lui cacher mon chagrin et mes larmes pour ranimer son courage. Je dois paraître insensible à son absence, quand mon cœur frémit d’inquiétude et de douleur ! Pauvre, pauvre enfant ! La misère m’oblige à l’envoyer à son frère. Dieu de bonté, protégez-le ! Marie, mère de miséricorde, ne l’abandonnez pas, veillez sur lui ! »

La pauvre femme pleura quelque temps encore ; puis elle se releva, lava ses yeux rougis par les