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comme des amis, et, sauf la fortune, comme nos égaux en tous points.

Félicie, étonnée.

C’est impossible ce que tu dis là. Tes égaux, des paysans ignorants ! des gens qui ne savent rien, qui travaillent à la terre !

Gertrude, avec animation.

S’ils travaillent, c’est pour gagner leur vie, pour faire vivre leurs familles, pour élever leurs enfants. S’ils sont ignorants, c’est qu’ils n’ont eu ni le temps ni les moyens de savoir. Ils en ont d’autant plus de mérite à être bons, à remplir leurs devoirs ; bien plus de mérite que nous, qui tenons du bon Dieu de quoi vivre, et les moyens de nous instruire de nos devoirs.

Félicie.

Mais tu es folle, Gertrude ! Où as-tu trouvé ces idées bizarres ?

Gertrude.

Je les ai trouvées dans l’Évangile, dans les paroles et les exemples de Notre-Seigneur et des apôtres, dans les Vies des saints, dans le catéchisme. C’est là que j’ai appris à voir des frères dans tous les hommes et à aimer en eux, non pas leurs richesses et leurs gloires, mais leurs vertus. »

Gertrude était très émue ; son visage s’était embelli par les sentiments qui l’animaient. Qui l’eût vue ainsi l’eût trouvée charmante, belle même, quoiqu’elle ne fût pas régulièrement jolie.

Félicie, qui était au contraire belle et régulière, n’avait aucun charme, sauf les rares moments où