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gneur crucifié est l’emblème du pardon ; donné par toi, ce crucifix lui rappelle que tu lui as pardonné son acte de brutalité envers toi.

Félicie, touchée.

Gertrude, comme tu es bonne ! réellement bonne ! Comme c’est bon à toi de vouloir me faire aimer plus que toi par ce pauvre Diloy ! Ce qui me surprend, c’est que je suis bien aise qu’il m’aime, et que je ne le regarde plus comme un paysan.

Gertrude.

C’est parce qu’il t’a fait du bien et que tu en es reconnaissante malgré toi… Ma chère Félicie, si tu le voulais, tout le monde t’aimerait. Cela te serait si facile !

Félicie.

Tu trouves que c’est facile parce que tu es toujours avec des paysans, que tu es habituée à leur saleté, à leur grossièreté, à leur langage commun. Mais moi, qui vais chez tous ces gens-là le moins possible, je ne peux pas leur témoigner de l’amitié ou même de l’intérêt comme toi. L’idée ne me vient pas de les traiter amicalement comme tu le fais. Je sais bien que tu fais semblant, mais…

Gertrude, très vivement.

Semblant ! Tu crois que je fais semblant ? Pas du tout, c’est que je les aime très réellement ; je m’afflige de leurs chagrins ; je m’inquiète de leurs maladies, de leurs souffrances ; je suis heureuse de leurs joies ; je voudrais les voir tous heureux. Je les vois avec plaisir ; je m’intéresse à leurs affaires. Je compte sur leur affection ; je les considère