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sus de ces pauvres gens qu’ils ne doivent même pas t’approcher, encore moins te toucher ? Vois mes tantes et mon oncle, comme ils sont polis, soigneux pour tous leurs domestiques, pour les gens du village ; comme ils s’intéressent à eux. Et vois aussi comme on les aime ! Est-ce qu’on les respecte moins parce qu’ils se font aimer ? Bien au contraire.

Félicie.

Je ne peux pas faire de même. Ça me déplaît ; ça me gêne. Leurs mains sales me dégoûtent ; ils sentent mauvais ; leurs cheveux sont mal peignés ; enfin, je déteste qu’ils me touchent.

Gertrude.

Pauvre Félicie ! Je te plains. Personne ne t’aimera, et tu ne seras pas heureuse. »

Félicie ne répondit pas, Gertrude ne dit plus rien. Elle vit qu’une fois encore l’accès de bonté de Félicie était passé.

« Il faut du temps et de la patience…, pensa-t-elle. Mais pourquoi change-t-elle tout d’un coup sans rime ni raison ?… Pourvu qu’elle ne fasse pas demain quelque chose de désagréable à ce pauvre Diloy ! »

Le déménagement continua, mais avec moins d’entrain pour les enfants.

Félicie gênait tout le monde ; elle avait repris ce que son oncle appelait ses grands airs. Au dernier voyage, Félicie déclara qu’elle était fatiguée et qu’elle rentrait à la maison ; personne ne chercha à la retenir, pas même Gertrude, et elle se dirigea vers la maison d’un air assez maussade.