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Le général.

Non, non, ma fille, je ne me trompe pas, et tous ont vu et entendu comme moi. Je dis donc que ces gens-là sont une peste pour toi ; tu sais qu’on fuit les pestiférés, de peur d’attraper leur peste. Fuis-les, crois-moi.

Félicie.

Mais, mon oncle, ce sont les seuls du pays que je voie avec plaisir et qui m’amusent.

Le général.

Tu crois cela parce que tu ne fais attention qu’au titre et à la fortune. Sais-tu ce qu’était ce fier baron de Castelsot ? Le fils du maître d’hôtel d’un de mes amis, le duc de La Folotte, ruiné maintenant par ses gens. Le père de ton baron a tant volé, que le fils s’est trouvé riche et a pu jouer à la Bourse, où il a gagné des sommes énormes, plus d’un million, m’a dit mon ami. Il a acheté un titre ; sa femme est la fille de l’homme d’affaires du même duc et aussi voleur que le père du baron ; elle a hérité de ses parents d’une somme considérable, trois ou quatre cent mille francs, et ils sont venus s’établir dans ce pays, où personne ne les connaît. Ils ont donné au château qu’ils ont bâti le nom de Castelsot, qu’ils ont pris eux-mêmes ; leur vrai nom est Futé. Voilà ce que sont tes amis. Tu vois s’ils sont dignes de toi. Ils te flattent, ils te donnent de mauvais conseils et de mauvais exemples ; ils sont détestés dans tout le pays et ils te font détester. Tu t’ennuies partout parce que tu dédaignes tout le