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tête pressée dans ses deux mains comme s’il eût craint qu’elle n’éclatât, il dit d’une voix étouffée :

« Monstre ! odieux scélérat ! Ah ! je n’ai pas de mots pour exprimer mon indignation, mon horreur ! »

Il resta longtemps immobile, étouffant sous le poids de son émotion.

« Et cette admirable, héroïque Geneviève, résistant aux instances de ce misérable que je n’ai plus le courage d’appeler mon oncle ! Et elle a la force de se taire devant le silence ignominieux de cet être à cœur de tigre ! Et cette lettre insultante, odieuse, elle la cache, elle la dissimule ! Mon Dieu mon Dieu, donnez-moi la force de vaincre la violence de mes sentiments ! Que je n’oublie jamais cette parole du Seigneur sur la croix :

« Mon père, pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. »

« Oh ! mes chers et saints Pères ! soyez bénis, vous qui avez fait de moi un chrétien ; un chrétien qui pardonne et qui prie. »

Il cacha sa figure dans ses mains ; Mlle Primerose vit quelques larmes couler à travers ses doigts ; puis il se calma, essuya ses yeux et se leva.

« Jamais, dit-il à Mlle Primerose, je ne saurai assez vous exprimer ma reconnaissance de tout ce que vous avez fait pour elle. Vous avez été, depuis dix ans, sa protectrice, sa mère. Que serait-elle devenue sans vous ? Mon respect, ma reconnaissance, ma vive affection vous sont acquis tant que Dieu me laissera un souffle de vie. »