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la cause du mal était imprévue. Quand on a vraiment connaissance d’une faute, on prévoit l’accusation, on s’y attend. Le saisissement n’est pas le même que lorsqu’on entend une personne qui vous est chère faussement accusée d’une faute dont une belle, bonne, franche nature est incapable.

M. Dormère.

La croyez-vous en danger ?

M. Bourdon.

Oui, Monsieur. Si la saignée que je vais pratiquer dans quelques heures ne dégage pas la tête, nous courons le danger d’une maladie cérébrale.

M. Dormère.

Mais elle a sa connaissance ? elle parle ?

M. Bourdon.

Non, Monsieur ; elle parle, mais sans savoir ce qu’elle dit. Ainsi elle répète souvent avec un accent de désespoir qui fait mal à entendre : Malheureuse ! c’est ton Rame ! Et puis : Rame en prison !… c’est un infâme !… c’est un monstre… il ne parle pas !… il ne dit rien, il veut me tuer… Cela prouve la grande surexcitation du cerveau et l’indignation profonde amenée par une fausse accusation. »

M. Bourdon pensa en avoir dit assez pour ouvrir les yeux à M. Dormère ; il salua et partit.

M. Dormère resta pensif et immobile : un doute commençait à se faire dans son esprit.

« Aurais-je réellement accusé à faux ce malheureux ? Ce serait horrible pour elle ! Et si elle meurt ? Pauvre enfant ! je l’aurais assassinée ; ce serait la digne fin de la protection et de la tutelle dont