Page:Ségur - Aprés la pluie, le beau temps.djvu/259

Cette page a été validée par deux contributeurs.

y parvint malgré ses genoux tremblants qui se dérobaient sous elle et elle tomba presque inanimée dans ce fauteuil.

« Quel monstre ! se dit-elle. Voler son père ! ce père si bon pour lui, si indulgent !… — Et mon oncle, que va-t-il penser quand il s’apercevra qu’il lui manque dix mille francs ? Pourvu qu’il ne croie pas… » Et, se levant précipitamment à cette pensée qu’elle pourrait être accusée du vol, elle poussa un cri d’horreur et retomba en faiblesse. Elle se remit promptement de son effroi. « Mon Dieu, mon Dieu, protégez-moi ! s’écria-t-elle. — Mon Dieu, vous ne permettrez pas que mon oncle ait cette horrible pensée !… Non, non, c’est impossible !… Impossible ! » répéta-t-elle.

S’apercevant alors qu’elle se trouvait dans le fauteuil occupé par Georges quelques instants auparavant, elle le quitta brusquement, s’élança hors de la bibliothèque, mais elle eut encore assez de réflexion pour fermer la porte à double tour et en retirer la clef, qu’elle emporta dans sa poche.

Elle rentra dans sa chambre et fondit en larmes.

« Que faire ? dit-elle. Que répondre à mon oncle ? Je ne veux pas lui dénoncer son fils ; oh non ! plutôt mourir que dire à un père : « Votre fils que vous aimez est un voleur, un scélérat. » À qui demander conseil ? Je n’ai personne, personne. Oh ! Jacques, où est-il ? Pourquoi n’est-il pas ici pour me protéger comme dans mon enfance ? Voilà un cœur honnête, une âme élevée, généreuse, tout le contraire de cet infâme Georges. Il me donnerait