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fille qui me bat froid depuis quelques jours. Mais je ne veux pas la lâcher ; avec l’aide de mon père, il faudra bien qu’elle m’épouse et me rende maître de ses quatre-vingt mille livres de rente. — Avec cela j’ai des dettes qui m’ennuient. Je dois bien six à sept mille francs ; et comment les payer ? Mon père serait furieux s’il le savait. Je vais l’attendre pour lui faire presser le mariage. C’est pourtant ennuyeux de m’enchaîner si jeune, mais il le faut. J’ai besoin d’argent. »

Tout en se parlant à lui-même, Georges s’approcha du bureau et aperçut les billets de banque.

« Tiens ! que de billets ! Combien y en a-t-il donc ? » Il compta les billets.

« Vingt-cinq ! Que je serais heureux d’avoir tout cela ! — Mais quelle imprudence de les laisser traîner dans une pièce où tout le monde peut entrer. — Le premier venu peut les emporter… Et on ne saurait seulement pas qui les a pris… C’est pourtant vrai… Si j’en prenais quelques-uns ?… Mon père ne s’en apercevrait pas… Il ne sait seulement pas combien il y en a… Il n’a pas beaucoup d’ordre, ce cher papa… Si je lui donnais une leçon ! Il serait plus soigneux à l’avenir… Et puis ne suis-je pas son fils unique ? Tout ce qu’il a m’appartient. Je ne ferai de tort à personne. »

Georges regarda encore autour de lui ; ne voyant personne, n’entendant d’autre bruit que les battements précipités de son cœur, il prit les billets, en fit un paquet de dix, qu’il cacha dans la poche de son habit, remit le reste en un seul paquet sur