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grands services, aux moments les plus critiques de la Guerre de la Succession d’Espagne ; Samuel Bernard risqua plusieurs fois une ruine complète.

D’ailleurs, les munitionnaires et les trésoriers de guerre sont encore plus âpres au gain, s’il est possible, et spéculent trop souvent sur la famine. N’oublions pas que c’est grâce aux fournitures de guerre qu’ont commencé à édifier leur fortune les frères Pâris, qui seront peut-être les plus gros capitalistes du XVIIIe siècle.

Fait significatif : la plupart des banquiers de l’époque, — parmi lesquels on peut citer de Meuves, Hoggers, Samuel Bernard lui-même —, se sont beaucoup plus occupés de crédit public que de transactions commerciales[1].

Sans doute, comme le montrent MM. Germain Martin et M. Bezançon dans leur remarquable ouvrage sur l’Histoire du crédit en France sous le règne de Louis XIV, nombre de ces financiers ont sombré, au cours de leur carrière, ont connu de cruelles déconfitures ; parfois aussi (rarement), on leur « a fait rendre gorge ». Mais plus nombreux encore sont ceux qui ont fait souche de nobles familles, comme ce Béchameil, dont le fils, Béchamel de Nointel a été ambassadeur de Constantinople et intendant de Bretagne.

Dans quelle mesure ces capitaux accumulés par les gens de finance ont-ils servi l’expansion du capitalisme commercial et industriel ? C’est ce qu’il est malaisé de voir avec précision. Sans doute, on trouve des financiers parmi les commanditaires des armateurs, comme les Magon de Saint-Malo, ou parmi les actionnaires des premières grandes entreprises industrielles, notamment des compagnies minières ou des exploitations houillères ; Pâris-Duverney, par exemple, a donné beaucoup d’ar-

  1. Voy. Ph. Sagnac, Le crédit de l’État et les banquiers à la fin du XVIIe et au commencement du XVIIIe(Revue d’Histoire moderne, t. X, 1908).