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tendent à sortir des cadres de l’organisation corporative. C’est dans leur classe que se recrutera, en partie, le personnel des compagnies de commerce privilégiées, des directeurs de manufactures. Rien d’étonnant qu’ils aient pris une grande part à la fondation de la Compagnie des Indes, que les souscriptions qu’ils aient données, en cette occasion, aient été fort importantes. Les merciers, qui vendent toutes sortes de marchandises (des toiles, des fils, des rubans, des galons, des ceintures, des broderies), se trouvent sans cesse en conflit avec d’autres corps de métiers, par exemple, avec les drapiers et les libraires, qui leur contestent le droit de vendre des alphabets et des almanachs ; ils seront aussi les premiers, plus tard, à fonder les magasins de nouveautés. Merciers et drapiers constituent l’aristocratie de la classe marchande ; à Dijon, dit M. Roupnel, « à cause de leur fortune, ils constituent, plus encore que les gens de profession libérale, le véritable lien entre la classe des privilégiés et celle des artisans »[1].

Le progrès du commerce se marque encore par le développement de l’esprit, d’aventure. Savary remarque qu’on est trop pressé, de s’établir à son compte, et souvent d’une façon imprudente :

Anciennement, l’on servait des douze ou quinze ou même vingt ans auparavant de reprendre le commerce pour son compte particulier ; aussi voyait-on moins de banqueroutes et de faillites en ce temps-là qu’en celui-ci, et l’on peut dire, sans exagération, qu’il s’est fait plus de faillites et de banqueroutes depuis trente ou quarante ans qu’il ne s’en était fait cent ans auparavant.

Et Savary insiste sur l’utilité d’un long apprentissage.

Le capitalisme ne joue cependant qu’un rôle secondaire dans le commerce intérieur. Dans les transactions

  1. Gaston Roupnel, La ville et la campagne au XVIIe siècle ; étude sur les populations du pays dijonnais, Paris, 1922, pp. 142-143.