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trie rurale. On n’a donc aucune raison de substituer l’élevage à la culture, les pâturages aux terres cultivées. N’oublions pas non plus que les cultivateurs ne produisent, pour ainsi dire, pas pour l’exportation, car la sortie du blé est prohibée et la liberté du commerce des grains ne commencera à apparaître qu’à la fin de l’ancien régime. Le domaine seigneurial conserve donc sa forme traditionnelle. L’exploitation agricole reste à peu près immuable ; le seigneur, loin d’opérer la concentration de ses fermes, continue à partager son domaine entre de petits ou moyens métayers et fermiers. C’est seulement au XVIIIe siècle que le système des grandes fermes commence à apparaître dans quelques contrées, dans celles précisément où l’agriculture est devenue prospère, comme la Beauce et le nord de la France. L’éparpillement de l’exploitation subsiste, tout comme la dissémination de la propriété. Les nobles, qui souvent vivent surtout des revenus de leurs « fiefs », ont intérêt au maintien intégral du régime seigneurial[1]. On n’a pu et on n’a voulu réaliser aucune mesure analogue à celle des enclosures anglaises.

Les progrès du capitalisme commercial semblent aussi avoir contribué à modifier le régime agraire des pays de la Baltique, à accroître, en ces contrées, la sujétion des paysans et à renforcer la grande propriété noble. C’est que les pays limitrophes de la Baltique (Pologne, Livonie, Danemark, Russie) sont grands producteurs des céréales, dont les États du Sud de l’Europe ont besoin pour leur subsistance. Par Stettin, puis par Hambourg, plus tard encore par Dantzig et Riga (villes qui toutes se trouvent au débouché de

  1. Voy. Loutchisky, L’état des classes agricoles en France à la veille de la Révolution, 1911 ; H. Sée, Les classes rurales en Bretagne du XVIe siècle à la Révolution, 1906, et Esquisse d’une histoire du régime agraire en Europe aux XVIIIe et XIXe siècles, Paris, 1921. Cf. Georges Lefebvre, Les paysans du Nord pendant la Révolution, Paris, 1924.