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domaines aristocratiques de l’Est ont connu une évolution plus rapide ; leurs propriétaires ont pu, consacrer à l’agriculture des capitaux plus considérables et traiter leurs exploitations, qu’ils gèrent par le faire-valoir direct, un peu à la façon d’établissements industriels[1].

Aux États-Unis, l’agriculture présente un aspect particulier. C’est, en effet, un pays neuf et comprenant une grande variété de sols et de climats. Aussi y voit-on figurer, en même temps, l’agriculture primitive, le système de la jachère, les rotations de cultures scientifiques. Toutefois, dans la première moitié du siècle, il s’agit surtout d’une culture extensive, et qui reste encore, dans une forte mesure, hors de l’emprise du capitalisme[2].

En Russie, où s’est perpétué le régime du servage et du mir, l’agriculture conserve davantage encore son caractère primitif ; c’est ce que montre très nettement le livre de Schkaff sur la Question agraire en Russie.

En un mot, vers 1850, l’agriculture reste toujours soumise à l’ancienne économie familiale ; elle ne commencera à « s’industrialiser », à se « commercialiser » que dans la seconde moitié du siècle. Et même au XXe siècle, — exception faite pour les États-Unis —, elle n’a subi encore que dans une certaine mesure l’influence du capitalisme ; elle n’est pas encore tombée complètement sous la domination de l’industrie et du commerce. La technique s’est, en grande partie, transformée, mais la nature même du travail agricole conserve plus longtemps que sur d’autres domaines bien des traits de l’ancienne organisation économique et sociale[3].

  1. Sur ce qui précède, Voy. aussi H. Sée, Esquisse d’une histoire du régime agraire, 1921.
  2. S.-N.-B. Gras, A history of agriculture in Europe and America, 1925. — Aujourd’hui, au contraire, il n’est pas de pays où l’agriculture soit plus soumise à l’influence des marchés commerciaux et du capitalisme.
  3. Voy. Michel Augé-Laribé, L’évolution agricole de la France, 1912.