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la filature, tandis qu’avant le machinisme la filature était subordonnée au tissage[1].

Autre conséquence, qui s’affirme à l’époque napoléonienne : certains industriels, particulièrement entreprenants, multiplient leurs établissements ; tel, Bauwens en Belgique, tel, Richard-Lenoir, qui crée des filatures et des tissages en Picardie et dans toutes les parties de la Normandie. Un exemple plus frappant encore est fourni par Ternaux, qui couvre la France d’usines drapières ; en dehors des grands centres de sa fabrication (Sedan, Reims, Louviers), il ne cesse de fonder de nouveaux ateliers.

Arrivée à ce point de développement, la concentration industrielle a pour conséquence de soumettre à l’industrie l’activité commerciale. Le grand industriel s’efforce de devenir un grand commerçant, se préoccupe lui-même de trouver des débouchés pour ses produits. Ternaux fonde partout, à l’étranger comme en France, des comptoirs pour la vente et pour l’achat des matières premières. Sa maison de Paris est « comme le cœur qui reçoit et renvoie le sang dans les veines et les artères » : elle sert pour tous ses établissements de magasin de vente ou d’approvisionnement, de maison de commission. Ternaux cherche même à se passer tout à fait des intermédiaires, à entreprendre la vente au détail. Dès le XVIIIe siècle, dans l’impression sur toile, les fabricants se livrent aux opérations commerciales ; M. Ballot caractérise ainsi leur activité :

« Ils envoient des agents acheter directement, soit des toiles blanches à Lorient, port de la Compagnie des Indes, soit des matières tinctoriales dans les autres ports ; les plus importants s’occupent de la vente aux marchands, ou même directement au public ; plusieurs manufactures ont des boutiques à Paris, d’autres ont des relations étendues, exportant en Allemagne, dans les pays du nord, aux colonies. »

  1. Ibid., pp. 132-133.