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surtout par l’industrie houillère. Les mines avaient d’abord été exploitées souvent par leurs propriétaires ou par de petits entrepreneurs, mais d’une façon si défectueuse que le gouvernement, par l’arrêt de 1744, se décida à établir qu’aucune mine ne pourrait être mise en valeur qu’en vertu d’une concession royale. Les propriétaires et les petits entrepreneurs sont souvent dépossédés au profit d’étrangers, au profit surtout de grandes compagnies, comme la compagnie d’Anzin. C’est que ces sociétés sont seules capables d’accomplir les perfectionnements techniques nécessaires : sondages, ouvertures des galeries et des puits, aérage, épuisement de l’eau au moyen de pompes (et on emploie de plus en plus les « Pompe à feu ») exigent, pour être menés scientifiquement, des capitaux considérables. Ces compagnies, sociétés par actions (surtout en nom collectif ou en commandite), ont bien l’aspect de grandes entreprises capitalistes, qu’il s’agisse d’Alais, de Carmaux ou d’Anzin. La société d’Anzin, en 1756, emploie déjà mille mineurs et, dans ses ateliers, 500 ouvriers ; en 1789, elle compte 4 000 ouvriers ; elle a ouvert 300 à 400 toises de galeries et elle emploie 12 machines à vapeur ; en 1789, elle extrait 3 750 000 quintaux de charbon, et ses bénéfices commerciaux s’élèvent à 1 200 000 livres, dépassant de 100 % ses dépenses[1]. Dans les autres exploitations minières, ce caractère est moins accentué ; mais on a toujours affaire à des sociétés par actions, qui ont été formées le plus souvent par des riches financiers ou des négociants, des armateurs, et, parmi leurs actionnaires, figurent, comme dans les sociétés houillères, des nobles, des magistrats[2].

  1. Cf. Grar, Histoire de la recherche, de la découverte et de l’exploitation de la houille dans le Hainaut français, la Flandre française et l’Artois, Valenciennes, 1847, et surtout Marcel Rouff, Les mines de charbon en France au XVIIIe siècle, Paris, 1922.
  2. Voy., par exemple, H. Sée, Les origines de la société minière de Pontpéan (Mém. de la Société d’Histoire de Bretagne, an. 1924).