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XVIIIe siècle et au XIXe la fabrication des toiles disparaîtra définitivement du pays.

Au contraire, dans des provinces comme la Flandre, la Picardie, la Haute-Normandie, où l’agriculture est prospère, où l’industrie urbaine a essaimé dans les campagnes environnantes, où l’industrie rurale s’est développée surtout parce que beaucoup de, paysans sont dépourvus de propriété, l’artisan rural dépend souvent de véritables manufacturiers, qui lui font des commandes et donnent des directions à son travail. En tout cas, les négociants distribuent aux travailleurs de la campagne la matière première, leur fournissent même les métiers. Ce sont eux qui soutiennent la fabrication rurale au point de ruiner les métiers urbains, comme s’en plaignent les fabricants et les compagnons de Troyes ; ce sont eux qui, à la fin de l’Ancien Régime, dans la bonneterie et dans la filature du coton, introduisent les métiers mécaniques, ce qui rend plus désastreuse encore pour l’ancienne industrie urbaine la concurrence des campagnes. Il suffira que les métiers soient concentrés dans des usines pour que naisse la grande industrie, pour que le négociant-entrepreneur se transforme en patron industriel[1].


3. Le rôle de la concentration commerciale. — Dans les métiers urbains de l’industrie textile, on voit souvent S’exercer la même emprise du capitalisme commercial, qui a pour effet de faire tomber les artisans, autrefois indépendants, au rang de salariés. L’exemple le plus frappant nous est fourni par l’industrie lyonnaise de la

  1. Voy. Tarlé, L’industrie rurale en France au XVIIIe siècle, Paris, 1910. — Fr. Bourdais et B. Durand, L’industrie et le commerce de la toile en Bretagne, 1922 (Comité des travaux historiques ; section d’histoire moderne et contemporaine, fasc. VII). — Demangeon, La plaine picarde, 1905. — Sion, Les paysans de la Normandie orientale, Paris, 1909. — R. Musset, Le Bas-Maine, Paris, 1917. — Robert Lévy, Histoire économique de l’industrie cotonnière en Alsace, 1912.