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LOUISE LABBÉ

Faisait couler de son furieux brane
Des ennemis les plus braves le sang,
Ayant encor envie de conquerre
Tous ses voisins, ou leur mener la guerre,
Trouva Amour, qui si fort la pressa.
Qu’armes et lois vaincue elle laissa.
Ne méritait sa royale grandeur
Au moins avoir un moins fâcheux malheur
Qu’aimer son fils ? Reine de Babylonne,
Où est ton cœur qui aux combats résonne ?
Qu’est devenu ce fer et cet écu,
Dont tu rendais le plus brave vaincu !
Où as-tu mis la martiale crête,
Qui obombrait le blond or de ta tête ?
Où est l’épée, où est cette cuirasse,
Dont tu rompais des ennemis l’audace ?
Où sont fuis tes coursiers furieux
Lesquels trainaient ton char victorieux ?
T’a pu si tôt un faible ennemi rompre ?
A pu si tôt ton cœur viril corrompre.
Que le plaisir d’armes plus ne te touche
Mais seulement languis en une couche ?
Tu as laissé les aigreurs martiales.
Pour recouvrer les douceurs géniales.
Ainsi, Amour de toi t’a étrangée.
Qu’on te dirait en un autre changée,
Donques celui lequel d’amour éprise
Plaindre me voit, que point il ne méprise
Mon triste deuil : Amour, peut-être en brief
En son endroit n’apparaîtra moins grief.
Telle j’ai vu qui avait en jeunesse
Blamé Amour : après en sa vieillesse
Brûler d’ardeur, et plaindre tendrement
L’âpre rigueur de son tardif tourment.
Alors de fard et eau continuelle
Elle essayait se faire venir belle,
Voulant chasser le ridé labourage
Que l’âge avait gravé sur son visage.
Sur son chef gris elle avait empruntée
Quelque perruque, et assez mal antée :
Et plus était à son gré bien fardée.
De son ami moins était regardée :
Lequel ailleurs fuyant n’en tenait compte.
Tant lui semblait laide, et avait grand’honte