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LOUISE LABBÉ

III

Tout aussitôt que je commence à prendre
Dans le mol lit le repos désiré,
Mon triste esprit hors de moi retiré
S’en va vers toi incontinent se rendre.

Lors m’est avis que dedans mon sein tendre
Je tiens le bien où j’ai tant aspiré,
Et pour lequel j’ai si haut soupiré.
Que de sanglots ai souvent cuidé fendre[1].

Ô doux sommeil, ô nuit à moi heureuse !
Plaisant repos, plein de tranquilité.
Continuez toutes les nuits mon songe :

Et si jamais ma pauvre âme amoureuse
Ne doit avoir de bien en vérité,
Faites au moins qu’elle en ait en mensonge.


IV

Tant que mes yeux pourront larmes épandre,
À l’heur passé avec toi regretter :
Et qu’aux sanglots et soupirs résister
Pourra ma voix, et un peu faire entendre.

Tant que ma main pourra les cordes tendre
Du mignard luth, pour tes grâces chanter :
Tant que l’esprit se voudra contenter
De ne vouloir rien fors que toi comprendre ;

Je ne souhaite encore point mourir :
Mais quand mes yeux je sentirai tarir.
Ma voix cassée, et ma main impuissante.

Et mon esprit, en ce mortel séjour.
Ne pouvant plus montrer signe d’amante :
Prirai la mort noircir mon plus clair jour.

  1. J’ai souvent cru éclater.