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LOUISE LABBÉ

on dit que, lorsqu’ils se revirent, un jeune avocat de Lyon avait remplacé Olivier dans le cœur de Louise. La muse du poète se déchaîna sur l’ingrate et le nouvel adorateur de celle-ci, repoussé à son tour, se vengea en attaquant la réputation de son ancienne amie.

Mais il est assez mal aisé de contrôler le bien-fondé de cette histoire.

Voici comment Antoine du Verdier, dans sa Bibliothèque (Lyon, 1585) parle d’elle : « Elle recevait gracieusement en sa maison seigneurs, gentilhommes, et autres personnes de mérite avec entretien de devis et discours, musique tant à la voix qu’aux instruments où elle était fort duicte, lecture de bons livres latins et vulgaires, italiens et espagnols, dont son cabinet estait copieusement garni, collation d’exquises confitures, enfin leur communiquait privément les pièces plus secrètes qu’elle eust, et pour dire en un mot, faisait part de son corps à ceux qui fonçoyent : non toutefois à tous et nullement à gens méchaniques et de vile condition, quelque argent que ceux-là luy eussent voulu donner. »

Bayle, en 1720, n’est pas moins explicite :

« Elle ne ressembloit pas en toutes choses aux courtisanes ; car si, d’un côté, elle était de leur humeur, en ce qu’elle voulait être bien payée de ses faveurs, elle avait de l’autre certains égards qu’elles n’ont pas pour les hommes doctes, car elle leur donnait la passade gratuitement. »

Il semble donc bien que Louise Labbé, ait été, tout au moins, de mœurs légères et qu’elle ait mérité l’épigramme connue :

La célèbre Labbé qui, des Jeux et des Ris,
Dans ses vers, dans sa prose était toujours suivie.
Sur le mont des neuf Sœurs ne coucha de sa vie ;
Elle aima mieux coucher avec ses favoris.

Elle mourut en 1566. Ses œuvres avaient été publiées à Lyon en 1555, chez Jean de Tournes[1]. Elles comprennent environ cinq cents vers répartis en trois élégies et vingt-quatre sonnets.

Ces poésies se rapportent toutes à l’amour dont nous avons parlé. Une certaine obscurité et des incorrections déparent un peu ces petites pièces qui ont gardé, cependant, de vieillir le nom de Louise Labbé, car elles sont animées par une vraie passion, que le poète ressent, selon son expression, « en ses os, en son sang, en son âme ». Louise Labbé mérite vraiment, pour ces accents, le surnom que lui donne Mme Desbordes-Valmoro de « Nymphe ardente du Rhône ».

Sainte-Beuve a écrit, très justement d’elle : « Louise Labbé était disciple de Maurico Scève et elle lui doit assurément beaucoup pour les études et les doctes conseils ; mais si elle atteignit dans l’expression à quelques accents heureux, à quelques traits durables, elle ne les puisa que dans sa propre passion et en elle-même. »

CONSULTER : Guillaume Paradin : Histoire de Lyon. — La Croix du Maine et du Verdier. — Dominique de colonia : Histoire littérire de la ville de Lyon. — Collombet., notice en tête de l’édition des œuvres de Louise Labbé, Lyon 1844. — Sainte-Beuve, Revue des Deux Mondes, 1845.

  1. Il faut recommander particulièrement l’édition de 1895, due aux soins de M. P. Blanchemain.