Et s’il voulait tant soit peu, me toucher,
Lui jetterais pour le moins, ma main pleine
De la pure eau de la claire fontaine,
Lui jettant droit aux yeux ou à la face.
Oh ! qu’alors eût l’onde telle efficace[1]
De le pouvoir en Actéon muer.
Non toutefois pour le faire tuer,
Et dévorer à ses chiens, comme cerf :
Mais que de moi se sentit être serf,
Et serviteur transformé tellement.
Qu’ainsi cuidast[2] en son ententement.
Tant que Diane en eût sur moi envie
De lui avoir sa puissance ravie.
Combien heureuse et grande me dirais !
Certes, déesse être me cuyderais[3]
Mais pour me voir contente à mon désir
Voudrais-je bien faire un tel déplaisir
À Apollo, et aussi à ses Muses
De les laisser privées, et confuses,
D’un qui les peut toutes servir à gré.
Et faire honneur à leur haut chœur sacré ?
Otez, otez, mes souhaits, si haut point
D’avecques vous, il ne m’appartient point.
Laissez-le aller les neuf Muses servir,
Sans se vouloir dessous moi asservir
Sous moi, qui suis sans grâce et sans mérite.
Laissez-le aller, qu’Apollo je n’irrite
Le remplissant de déité profonde.
Pour contre moi susciter tout le monde.
Lequel un jour par ses écrits s’attend
D’être avec moi et heureux et content.
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