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Vous pourrait-on dire friande
Pour désirer telle viande ?
Vraiment nenni, car ce n’est point
la friandise qui vous poingt[1] :
Et vous n’allez à l’aventure
Pour chercher votre nourriture,
Mais pleine de discrétion,
D’une plus sage affection,


    Puce, qui viens te percher
    Dessus cette tendre chair
    Au milieu des deux mamelles
    De la plus belle des belles ;
    Qui la piques, qui la points
    Qui la mords à tes bons points(2)
    Qui t’enivrant sous son voile
    Du sang, ains(3) du Nectar d’elle
    Chancelles et fais maint saut.
    Du haut en bas, puis en haut :
    Oh ! que je porte d’envie
    À l’heur fatal de ta vie !
    Ainsi que dedans le pré
    D’un vert émail diapré
    On voit que la blonde avette(4)
    Sur les belles fleurs volette,
    Pillant la manne du ciel
    Dont elle forme son miel :
    Ainsi, petite pucette,
    Ainsi, puce pucelette.
    Tu volettes à taton
    Sur l’un et l’autre têton…
    Je ne veux ni du Taureau
    Ni du Cygne blanc oiseau
    Ni d’Amphytrion la forme.
    Ni qu’en pluie on me transforme ;
    Puisque madame te pait(5)
    Sans plus de ce qu’il te plaît.
    Plût or à Dieu que je pusse
    Seulement devenir puce !
    Tantôt je prendrais mon vol
    Tout au plus haut de son col,
    Ou d’une douce rapine
    Je sucerais sa poitrine.
    Ou lentement pas à pas
    Je me glisserais plus bas
    Et d’un muselin(6) folâtre
    Je serais puce idolâtre,
    Pinçottant je ne sais quoi
    Que j’aime trop plus que moi
    Mais, las ! malheureux poète,
    Qu’est-ce qu’en vain, je souhaite
    Cet échange affiert(7) à ceux
    Qui font leur séjour aux Cieux
    Et partant, puce pucette
    Partant, puce pucelette,
    Petite puce, je veux
    Adresser vers toi, mes vœux :
    Quelque chose que je chante.
    Mignonne, tu n’es méchante,
    Et moins fâcheuse, et je veux
    Pourtant t’adresser mes vœux :
    Si tu piques les plus belles.
    Si tu as aussi des ailes.
    Tout ainsi que Cupidon,
    Je te requiers un seul don.
    Pour ma pauvre âme altérée.
    Ô puce, ô ma cythérée :
    C’est que Madame par toi
    Se puisse éveiller pour moi,
    Que pour moi elle s’éveille
    Et ait la puce en l’oreille.

    E. Pasquier
    AMOUR PIQUÉ(8)

    Amour, ce méchant petit dieu,
    Un jour s’en vint auprès du lieu
    Où les poitevines nymphettes.
    Aux rives du Clain doux-coulant.
    Chantaient de l’Amour nonchalant
    Les presque inutiles sagettes(9).
    Si tôt que Cupidon entend
    Des nymphes le plaintif accent,
    HA ! dit-il, voici belle prise :
    Ainsi d’un amoureux désir
    La bergère de trop dormir

    (2) À ta fantaisie.
    (3) Que dis-je ?
    (4) Abeille
    (5) Nourrit
    (6) Diminutif de museau.
    (7) Convient
    (8) Imité d’Anacréon.
    (9) Flèches

  1. Saisit.