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christine de pisan

M’est cette saison grevaine[1]
Hélas, car j’ai la quartaine[2]
Qui me rend toute étourdie,
Souvent et de tristess’ pleine :
Ce me fait la maladie.

J’ai goût plus amer que suie,
Et couleur pâle et malsaine ;
Pour la toux faut que m’appuie
Souvent, et me fault l’haleine[3].
Et quand l’accès me demaine[4],
A donc ne suis tant hardie
Que je boive, que tisaine[5].
Ce me fait la maladie.

Je n’ai garde que m’enfuie[6],
Car, quand je vais, c’est à peine,
Non pas l’eire d’une luie[7] ;
Mais par une chambre pleine,
Encor convient qu’on me mène ;
Et souvent faut que je die :
Soutenez-moi, je suis vaine[8] :
Ce me fait la maladie.


ENVOI


Médecins, de mal suis pleine,
Guerissez-moi, je mendie
De santé qui m’est lointaine ;
Ce me fait la maladie.


BALLADE


Seulette suis, et seulette veux être,
Seulette m’a mon doux ami laissée,
Seulette suis sans compagnon, ni maître,

  1. Cette saison me pèse
  2. la fièvre quarte
  3. l’haleine me manque
  4. m’agite
  5. autre chose que tisane
  6. Je n’ai garde de sortir.
  7. Non pas l’espace d’une lieue
  8. Je me trouve faible