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Oh ! douloureux tableau qu’apportent ces deux morts !
L’un continue à vivre et gagne le rivage,
Après de durs combats et de tristes efforts ;
L’autre, cà peine venu, s’en va, sans compter d’âge.
Ce contraste. Seigneur, n’est-il pas effrayant ?
De ton juste pouvoir où retrouver la preuve ?
Pour le cœur qui chancelle et pour le cœur croyant.
Cette mort inégale est une lourde épreuve !
Comment garder la foi si tu prends le bonheur ?
Comment former des vœux si tu sèmes les doutes ?
Comment oser marcher si tu prends, ô Seigneur !
Les petits enfants sur les routes ?


À MON ENFANT

Mon bel enfant, te voilà blanc et rose,
Né dans ce monde et couché sur mon sein.
Fleur d’aujourd’hui, toute fraîche et mi-close,
Mise par Dieu sur le large chemin.
Tes yeux chéris, innocents de lumière,
N’ont pas encor dans les miens pu jaillir ;
A Dieu déjà j’adresse une prière :
Pour voir tes yeux, je demande à vieillir.
Toi, xuon Jésus, si mignon et si frêle
Qu’avec le souffle on n’ose te toucher,
Un faible oiseau du frôle de son aile.
Comme un épi peut te faire pencher.
Qu’une caresse ou te presse ou t’effleure.
Ton front rosé semble aussitôt pâlir.
Jo te regarde, et puis mon âme pleure :
Pour t’enibrasser, je demande à vieillir.
Si tu savais combien jo compte l’heure !
Car pour toi l’houre est tout un jour pour nous :
Déjà dans toi jo me berce et me leurre,
En t’appolant do ton nom à genoux !
Do tous les noms que je voudrais t’apprendre,
Il en est un qui me fait tressaillir :
Celui de mère, oh ! oui, oui ! pour l’entendre.
Pour l’écouter, je demande à vieillir.