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ASPIRATIONS


Quand la vigne languit sur sa tige affaiblie.
Mon Dieu, lorsque l’orage est venu la flétrir,
Que sans appui sa tête à tous les vents se plie,
   Ta pitié la laisse périr.

Atteint de la cognée, il meurt de sa blessure,
Le myrte du vallon. Sous le fer du faucheur
Tombe l’épi brisé. La feuille au doux murmure
Disparaît quand le givre a terni sa fraîcheur.

Quand l’aiguille cruelle, à la flamme rougie,
Perce le pauvre insecte endormi sur la fleur,
Il tressaille et se meurt, son aile épanouie
N’a frémi qu’un moment sous l’atroce douleur.

Si le plomb meurtrier, sous l’ombreuse ramée,
Frappe l’oiseau chanteur, sa gémissante voix
Appelle en expirant sa douce bien-aimée,
Et puis, il tombe ainsi qu’une feuille des bois.

À l’espoir du bonheur, seule dois-je survivre ?
Mon Dieu ! vois ce front lourd, vers la tombe incliné !
Du poids brûlant des jours que ta main le délivre,
Si d’assez de douleurs elle l’a couronné !


MATINÉE DE MAI 1851



Pourquoi renaissez-vous dans la pelouse verte.
Douces fleurs qu’il aimait, petites fleurs des prés ?
Pourquoi parer ces murs et ce toit qu’il déserte,
Jasmin de Virginie aux corymbes pourprés ?

Et vous, jasmin d’Espagne, aux étoiles sans nombre.
Écartez vos festons qui nous charmaient jadis !…
Qui vous demande à vous des parfums et de l’ombre.
Jeunes acacias si promptement grandis ?

Pourquoi viens-tu suspendre, ô frêle clématite !
Ta blanche draperie à sa croisée en deuil ?
Ne sais-tu pas qu’ici le désespoir habite,
Que le poéte aimé dort sous un froid linceul ?