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les muses françaises

J’y trouvais son souris, sa blonde chevelure !…
Hélas ! je cherche encore, et n’y vois qu’un tombeau.

Cesse de protéger la tranquille sagesse ;
A l’Amour étonné retire tes bienfaits ;
Je viens, loin des heureux t’ apporter ma détresse ;
Sois l’asile des pleurs, sois l’arbre des regrets.

Dérobe à tous les yeux ce douloureux mystère ;
Que ton ombre épaissie enveloppe mon sort ;
Sous tes pâles rameaux retombant vers la terre.
Enferme autour de moi le silence et la mort.

Dieux ! tu m’entends : déjà sur ta tige flétrie
La fleur perd son éclat, la feuille sa fraîcheur.
Doux saule, tu me peins le terme de la vie ;
Hélas ! tu veux aussi mourir de ma douleur.

Ton aspect dans mon cœur vient d’arrêter mes larmes !
Ah ! laisse-moi du moins le pouvoir de gémir ;
De mes regrets plaintifs rends-moi les tristes charmes :
Je le sens, il me faut ou pleurer ou mourir.

Lorsqu’assis à tes pieds, sous les vents en furie.
Le sage voit ton front se courber sans effort,
Il pardonne au destin, il supporte la vie :
Apprends-moi donc aussi qu’il faut céder au sort.

Ah ! rends-moi du printemps la fraîcheur renaissante ;
Rends à mon cœur flétri ses dons trop tôt perdus ;
Rends-moi les arts, la paix, l’amitié plus touchante…
Mais, non, ne me rends rien : doux saule, elle n’est plus !