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a noté avec raison, que la femme subit presque toujours l’influence d’un grand artiste, qu’elle n’est le plus souvent qu’un reflet. Or, cela ne vient-il pas, précisément, de ce qu’elle n’obéit pas assez à son tempérament ? Cela ne vient-il pas, aussi, de ce qu’elle ne sait pas assez différencier la femme de l’écrivain. Cette confusion nuit à son sens critique — déjà si réduit — et détruit en elle le principe d’impartialité indispensable au créateur. En écrivant elle reste trop préoccupée d’elle-même ; — elle a l’habitude de chercher à plaire et ne peut s’en défaire, — de là à s’embarrasser d’une ridicule pudeur et à redouter le jugement public, il n’y a qu’un pas !

Jusqu’ici — et bien que depuis quelque temps ce soit une mode chez les poétesses et les romancières de nous dire leurs passions, leurs émois, tous leurs élans du cœur et des sens, — la femme n’a jamais osé une totale confession. Eh bien, je dis qu’elle s’est arrêtée trop longtemps et avec trop de complaisance à la description de ses vertus, qu’elle s’est suffisamment montrée à nous sous le jour très favorable de l’amante fidèle et malheureuse, ou de la mère sacrifiée. Il conviendrait qu’elle ait le courage, maintenant, de nous révéler toute son âme qui n’est pas rien que lys et que roses. — Elle s’est vraiment trop appliquée à être pour nous une créature douloureuse, une créature de bonté et d’amour. C’est là de la psychologie rudimentaire.

La littérature masculine ne compte pas seulement des Hernani, des Cid, des Werther, des Jocelyn, elle a aussi ses Valmont, ses George Dandin, ses Harpagon, ses Iago.

La femme nous a trop souvent montré en elle la victime.

Nous attendons autre chose de son impartialité.

Cette impartialité, qui a été l’honneur et le génie des grands poètes et des grands romanciers, je ne doute pas un seul instant qu’elle ne finisse par l’acquérir. Ce jour-là, elle sera vraiment capable, non seulement de chanter ses peines et ses joies, mais bien de créer un type de femme complet, vivant, humain, et qui se différenciera certainement des types imaginés par des hommes. Aucune époque, d’ailleurs,