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ouvrier, on ne paye pas le service du soleil, du vent, ou de la pression atmosphérique. Or encore une fois où est la raison de cette différence ? et comment J.-B. Say, n’a-t-il pas senti la nécessité de se faire cette question ? S’il y a des services productifs qui se payent en raison de leur utilité, pourquoi les autres agents naturels, dont l’utilité n’est pas moins certaine, ne se font-ils pas payer ? J.-B. Say répond, il est vrai, que si les agents naturels, tels que le vent, le soleil et l’eau commune, ne se payent point, c’est précisément parce qu’ils ont une utilité immense, infinie, et que leur valeur est également sans bornes. Singulier raisonnement dont j’ai déjà fait la critique ! La valeur vient de l’utilité ; les choses qui ont une utilité immense, infinie, ont une valeur sans bornes ; et de là vient que nous ne les payons point et que nous en jouissons tous gratuitement Et maintenant, je le demande de bonne foi, que faut-il penser d’un principe qui se défend par une pareille argumentation ?

Ainsi, malgré la diversité de leur point de départ, et malgré toutes les discussions qui se sont élevées entre eux on voit, par, cette analyse rapide, que les écrivains des deux écoles, anglaise et française, sont mutuellement poussés les uns vers les autres, et qu’ils se rapprochent beaucoup plus qu’ils ne paraissent le croire ou qu’ils ne sont disposés à en convenir. La seule différence qu’il y ait entre les deux écoles se trouve dans la manière dont elles définissent la production. J.-B. Say met au nombre des services productifs les services industriels, les services fonciers et les services des capitaux, tandis que les écrivains anglais ne tiennent compte que du travail. Du reste, les écrivains anglais ne peuvent s’empêcher, dès qu’on les presse un peu vivement, d’invoquer le principe de l’utilité, pour expliquer la valeur du travail ; et d’un autre côté, J.-B. Say, pour expliquer la proportion qui doit exister naturellement entre la valeur et la cause quelconque qui la produit, est obligé de mettre en avant son utilité pro-