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plume d’oie, et pourquoi un magistrat intègre et éclairé, un administrateur habile sont bien moins rétribués qu’un danseur ? Il suit de ces exemples et d’une foule d’autres qu’on pourrait invoquer que la valeur d’échange ne se proportionne pas à l’utilité, et que, par conséquent, ce n’est pas dans l’utilité qu’il faut placer la source, de la valeur d’échange.

Cette proportion naturelle qui doit exister entre la valeur d’échange et la cause quelconque qui la produit est encore une idée qui a embarrassé Condillac et J.-B. Say parce qu’ils ont senti tout le parti qu’on pouvait en tirer contre leur doctrine, et, pour répondre à cette difficulté, ils se sont vus obligés d’être infidèles à leur premier principe ; mais ici encore il est curieux de signaler la différence qui existe entre l’explication de Condillac et celle de J.-B. Say.

Condillac s’est complètement égaré lorsqu’il a voulu expliquer les variations dont la valeur d’échange est susceptible. Après avoir dit que la valeur a son fondement dans l’utilité, il ajoute que la Valeur augmente dans la rareté et diminue dans l’abondance. Évidemment il y a ici une contradiction frappante dans le principe de notre philosophe. Ou la valeur vient de l’utilité, et alors la valeur grandit et diminue avec l’utilité elle-même ; ou la valeur grandit et diminue suivant un autre principe que celui de l’utilité, et alors la valeur prend sa source dans ce nouveau principe dont elle partage les variations. Pourquoi un fait quelconque se proportionnerait-il à autre chose qu’à sa cause ? Et pourquoi une cause quelconque exercerait-elle une influence sur un effet qu’elle ne produit point, qui ne provient pas d’elle ?

Mais Condillac ne s’arrête pas là. Il prétend que la valeur des choses est fondée sur leur rareté ou sur leur abondance, lorsque l’utilité teste la même. « Mais, ajoute-t-il, si l’on suppose que les choses sont également rares ou également abondantes, on leur attribue plus ou moins de valeur, suivant qu’on les juge plus ou moins utiles. »