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ces esprits à se développer en grâce fine et sournoise. Un toucher subtil ne rend personne aveugle et ce n’est pas parce qu’on a de la malice qu’on devient bossu.

Mais il est agréable de jouir de la malice en tâchant d’oublier la bosse. J’écoute volontiers M. André Gide quand il expose ses opinions critiques et j’aime à lire par dessus son épaule ses souriantes Lettres à Angèle.

L’auteur des Lettres à Angèle est un protestant dont le protestantisme aboutit « à la plus grande libération. » Il est toujours pour la liberté, contre l’unité. Il a raison, quand il s’agit de ces unités extérieures qui emprisonnent l’individu dans la foule et le forcent à marcher au pas des autres, dans la direction des autres. Je l’approuve aussi de condamner l’unité hypocrite qui enferme mon présent et mon avenir dans mon passé et qui me défend, lorsque j’ai grandi, de rejeter les vêtements courts ou étroits. Il est bon et juste de revendiquer le droit de changer. Mais, si la plupart des unités qu’on vante sont des diminutions et des apparences, certaines âmes ont une noble continuité immobile ou progressive. Quand il s’agit de celles-là, je ne suis plus avec M. André Gide.