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coordonné, le travail de mille mains fortuites. On entre en son œuvre comme en une ville de cabanons inachevés où pleurent cent sagesses fragmentaires arrachées à toutes les harmonies ; où hurlent et glapissent, affolées encore, par leur rapprochement inattendu, les folies de tous les vivants et de tous les morts.

Il n’est point, selon la vieille image jolie, l’abeille qui tire des fleurs un miel personnel, un miel dont le parfum et la saveur dureront. Korrigan de hâte, d’avidité et d’incohérence, il arrache, pour les porter à la boue de ses livres informes, des brassées de thym, de marjolaine et de rue. Et, sous les intempéries, parmi le sifflement des vipères et le coassement des crapauds qui semblent naître de ses mains de lucre, voici que l’enchevêtrement des fleurs tout à l’heure odorantes et des herbes de plus en plus puantes n’est qu’un tas grouillant de fumier.

Si je tenais à être poli, je saluerais en M. André Gide une de ces intelligences critiques que leur délicatesse scrupuleuse paralyse. Je préfère être vrai et, franchement, je crois que c’est leur impuissance créatrice qui entraîne