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donnent la joie qui dure. Tu es incapable de construire. Tu es le voyageur inquiet et amusé. Tu es la faculté de comprendre un peu, toujours assez pour sourire, jamais assez pour t’arrêter.

Nous aimons en toi notre Voltaire, clair, rieur et superficiel. Tu es un rapprocheur de petits détails étonnés. Mais ce jeu ne donne qu’un plaisir bien court. Et il faut l’aiguiser de malice. Il te faut surtout que des spectateurs soient là, souriant avec toi, un peu complices de tes plaisanteries. Tu ne jouis pas de la pensée : tu jouis un peu de l’espoir et du désir de la pensée ; tu es heureux surtout de voir que nous croyons à tes bonnes fortunes. Tu affiches, don Juan de parade, des conquêtes que tu n’as point faites. Partout tu as coquetté ; nulle part tu ne t’es fait aimer d’une doctrine assez pour qu’elle se donne à toi. Ton esprit s’arrête toujours aux bagatelles de la porte.

Mais je voulais te louer, joli M. Bergeret, pour les plaisirs légers que je te dois, pour la demi-griserie amusée qui me vint de plusieurs de tes pages.

Il y a dans les meilleurs livres d’Anatole France, dans ceux qui essaient le moins d’être des livres, deux personnages que j’aime.