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plus souvent quelqu’un qui se force à de lointaines et peu dangereuses bravoures, pour se donner la joie des lâches raffinés, la joie de trembler et de conchier son pantalon.

Cette intelligence valétudinaire, préoccupée uniquement de ses petits malaises et des petits plaisirs paradoxaux que lui procurera son mal, est exactement, dans sa sécheresse, dans l’étriqué de ses gestes courts, pauvres, rapaces et frileux, le contraire de la large et généreuse intelligence créatrice. Il mendie partout des toniques. Il emprunte à tous un peu de pensée incertaine et de branlante énergie. Il est bien loin de pouvoir dresser avec sa force et animer avec son souffle des êtres étrangers. Il n’est pas de ceux qui enrichissent l’état civil. Il est de ceux qui l’appauvrissent.

Ses personnages inventés ne vivent pas. Les héros de sa taille qu’il embrasse ou combat dans la boue politique ne vivent plus en nous que grâce à des souvenirs anciens et tenaces. Qu’il veuille chanter « le culte du moi » ou « l’énergie nationale », il jette toujours, en des romans mal faits et exsangues, quelques pages d’autobiographie ou d’histoire où ne frémit plus, passionnante, la vie multiforme. Ici comme là,