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time qui mérite toutes les adorations et toutes les immolations. Le Figaro l’abandonne, et lui ne s’indigne pas ; il comprend : « J’admets très bien, pour un journal, la nécessité de compter avec les habitudes et les passions de sa clientèle. » Quoi, même lorsqu’il s’agit de ce qui apparaît à tes yeux naïfs la grande bataille de ton siècle, tu admets qu’on sacrifie la justice à un intérêt personnel et que, s’étant jeté volontairement dans la lutte, on s’enfuie à la pensée du risque, abandonnant sans armes ses compagnons de combat. Ah ! bourgeois, tu admets bien des choses. Ici tu admets la lâcheté, tout simplement. Ailleurs, tu admets et tu admires le « noble amour de la patrie ». Tu admets aussi que notre honneur dépend d’autrui. Tu reproches à ceux de Rennes de n’avoir pas rendu « l’honneur » à Dreyfus. Ta voix est pleine de larmes quand tu parles de son « déshonneur légal ». Tu voudrais faire cesser « cette iniquité dernière ». Tu t’inclines donc, pensée lâche, devant la justice des juges ; et leurs paroles, même quand plus rien de matériel ne les sanctionne, te paraissent dignes d’autre chose qu’un haussement d’épaules. Socrate te paraît-il moins honorable que Calas le réhabilité ? et voudrais-