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à la pensée que Leconte de Lisle deviendra, comme Malherbe, un nom austère et antipathique, soutenu de peu de souvenirs précis ; je songe, mélancolique, aux destinées de François de Maynard et de José-Maria de Hérédia, princes du sonnet français ; et je suis d’un regard attendri Sully-Prudhomme rejoignant Racan derrière la brume de l’oubli. Une anthologie cueillie avec goût sauverait peut-être ces habiles fabricants de petites choses, mais nous attendons encore un choix bien fait des parnassiens de 1610 ou de 1865.

Honorat de Bueil, seigneur de Racan, est la seule âme poétique égarée dans le premier Parnasse, groupe d’ouvriers probes, trop consciencieusement appliqués au martelage des syllabes et à l’ajustage des stances pour se donner le loisir de rêver. Il fut, lui, un rêveur, un amoureux du loisir, de la campagne et de l’amour ; un amoureux de la vie et qui eût préféré les réalités nobles ou souriantes à leur laborieuse imitation littéraire. Mais sa nature et les événements s’unirent contre ses ambitions. On trouvait ridicules son visage et son allure ; par ses continuelles distractions il devenait le jouet de ceux qui se disaient ses amis ; il était